Le Brésil est en train de passer par une récession économique aggravée par une crise politique : d´un côté la présidente Dilma, élue démocratiquement et appuyée par la gauche (bien qu´en grande partie insatisfaite de son gouvernement) ; de l´autre, le groupe de l´opposition (avec les partis PSDB, DEM, PMDB, etc.), qui comptent sur l´activité tendencieuse d´un juge (Moro), d´un Ministre du STF (Gilmar Mendes, du Tribunal Suprême Fédéral), d´une partie de la tête de la police fédérale, de la plus grande partie du Congrès, et des médias qui créent chaque jour un nouveau discours pour faire pression, provoquer la sortie de la présidente Dilma et essayer de convaincre l´opinion publique.
Le climat est tendu dans le pays. Chaque jour surgit un fait nouveau. Dans les rues, la rivalité entre des groupes opposés s´est intensifiée, frisant la violence, avec plusieurs bureaux du Parti des travailleurs (PT, parti de la présidenteDilma et de l'ancien président Lula), de syndicats, de bureaux politiques de gauche et d´organisations étudiantes qui sont attaqués à l'aube. Le discours de haine est intense et on évite l'usage de vêtements rouges dans les zones où se déroulent les manifestations de l'opposition. D'autre part, de nombreux artistes, des intellectuels, des hommes politiques internationaux, des universitaires, des avocats et des mouvements populaires se prononcent contre la destitution. Les groupes opposés au gouvernement adoptent le discours de « la lutte contre la corruption »pour renverser la présidente. Cependant, certains des politiciens les plus corrompus dans le pays sont à la tête de cette offensive, qui ne propose aucun changement du système politique. Au contraire, ils cherchent simplement à récupérer le pouvoir perdu en 2002, 2006 et 2010 et 2014, dans les urnes, et ont passé les dernières années à articuler cette prise du pouvoir par la force. Si cela se produit, les dommages causés à la démocratie seront incalculables et la possibilité d'un conflit violent dans les rues sera grande.
Pour ces raisons, Vida Brasil publie la note suivante, afin de mieux informer ses partenaires nationaux et surtout internationaux de ce qui se passe au Brésil.
Note publique : la position de Vida Brasil face au scénario politique actuel
Depuis sa fondation en 1996, la mission de Vida Brasil est de contribuer à une société plus inclusive, durable et démocratique. La défense de la démocratie est donc une valeur fondamentale que nous, membres de Vida Brasil, assumons. Nous croyons que, malgré ses défauts et sesimperfections, la démocratie est le meilleur système possible, compte tenu de tout le contexte mondial actuel et des expériences du passé.C'est pourquoi, pendant ces 20 dernières années, nous avons travaillé à renforcer les institutions démocratiques, cherchant constamment une plus grande participation de la société civile dans les espaces de pouvoir et la garantie de l'État Démocratique de Droit sans restriction, surtout lorsque les effets de la démocratie tardent à se faire sentir et que les droits de la population ne sont pas assurés, comme c'est la cas dans les banlieues des grandes villes.
En raison de ce parcours, Vida Brasil a la fierté d'apporter son expertise à d'autres pays, en particulier en Amérique Latine et en Afrique, continents oú le système démocratique est encore de construction récente. La Tunisie en est un bel exemple : ce pays a installé le modèle démocratique en 2011 , après la révolution qui a renversé le dictateur Ben Ali, au pouvoir depuis 24 ans. Depuis lors, Vida Brasil a été deux fois sur le sol tunisien, apportant des contributions visant à renforcer la démocratie nouvelle-née dans le pays, et à approfondir les liens de coopération avec divers représentants du mouvement social de la Tunisie.
L'histoire de Vida Brasil, son passé et son présent confirment l'importance que nous donnons à la radicalisation de la démocratie, de manière inclusive et participative. En conséquence, nous ne pouvions pas manquer de prendre position sur la grave situation que notre pays vit en ce moment. C'est pourquoi nous affirmons que :
- Nous appuyons toute enquête, quelle qu'elle soit, sur toute personne, quelle qu'elle soit, à condition que la loi soit respectée et qu’ elle ne passe pas outre les droits individuels. Nous ne sommes pas d'accord avec les fuites illégales et sélectives d'éléments de l'enquête dont le but évident est de déstabiliser le gouvernement et d'aggraver la crise politique;
- Nous soutenons la lutte contre la corruption, mais nous ne sommes pas dupes des faux moralistes pour qui ce discours n'est qu'une simple dispute de pouvoir partisan, et qui ne proposent pas de changements structurels. C'est pourquoi nous préconisons la fin du financement privé des campagnes; la ratification du paquet anti-corruption, tel que proposé par la Chambre des Députés ; une réforme politique large et participative ; et l'impartialité dans les enquêtes, les poursuites et les condamnations, sans chercher à harceler ou à favoriser un parti politiqueou un autre ;
- Nous ne sommes pas d'accord avec l'attitude des principaux médias du pays, en particulier le groupe Globo. Nous regrettons la manipulation de l'information et la construction partisane des reportages médiatiques, clairement destinée à attaquer le gouvernement sans respecter les principes éthiques du journalisme. C'est pourquoi nous défendons une presse plus libre, qui garantisse un espace pour la diversité des discussions sous une forme équilibrée et professionelle, en particulier les chaînes de télévision qui fonctionnent à partir de concession publique, tels que le réseau Globo, et qui ont l'obligation légale et morale de respecter les institutions démocratiques et d’être intellectuellement honnêtes avec leurs téléspectateurs. Nous réaffirmons notre lutte pour la démocratisation des médias et leur cadre réglementaire.
- Nous rejetons le jugement anticipé rendu à la présidente Dilma, clairement destiné à affaiblir le gouvernement et le forcer à la sortie. Il est utile de rappeler qu'il n'y a contre elle aucune accusation de corruption et que Dilma a été démocratiquement élue par la majorité des électeurs et a le droit constitutionnel de terminer son mandat. Nous défendrons sa sortie légale si à un moment quelconque il y avait un procès et la preuve de crimes commis directement par elle, ce dont, pour le moment, elle n’est même pas accusée. Ce que nous voyons,c’est une coalition de forces dirigées par les partis d'opposition, les groupes de médias, les secteurs conservateurs de la société et des individus qui jouent un rôle dans diverses institutions publiques et qui devraient veiller à la légalité de leurs actions. A cette tentative d'expulsion forcée de la présidente, qui viole le résultat des élections et foule aux pieds la légalité démocratique, nous donnons le nom de coup d'Etat.
- Défendre la démocratie ne signifie pas approuver le programme du gouvernement actuel. Par ailleurs, nous exprimons notre réserve face à plusieurs projets, tels que la Loi antiterrorisme; la perte de souveraineté dans l'exploration du « pré-sal » (forages pétroliers en grande profondeur) ; la crise économique et les coupes dans les budgets de la Santé et de l'Éducation; la perspective de privatisations et de perte des acquis des travailleurs; et cela parmi beaucoup d'autres projets... Mais l'opposition à ces actions doit se faire en restant dans le champ démocratique. La défense des institutions démocratiques est au-dessus de tout parti ou groupe politique.
Telles sont les principales positions de Vida Brasil face au scénario actuellement en cours dans le pays. Considérant que les groupes qui organisent le renversement du gouvernement violent et mettent en péril la démocratie brésilienne, nous nous élevons contre toute tentativevisant à faire reculer les acquis démocratiques dont la construction nous a coûté si cher. Vida Brasil est pour la démocratie et agit donc en luttant, en la défendant et en travaillant à la renforcer.
Version originale en portugais: LINK.