quarta-feira, 11 de maio de 2016

Les corrompus votent la destitution de Dilma

Ce sont les derniers jours du gouvernement de Dilma Rousseff (PT - Parti des Travailleurs) au Brésil. Après avoir été condamnée par la Chambre des Députés, c´est le tour du Sénat de juger sa destitution (dénommée « impeachment » au Brésil). Cependant , si son parti est impliqué dans plusieurs scandales de corruption - en particulier le "Lava Jato" qui traite des  détournements d´argent à Petrobras, la plus grande entreprise étatique, il ne pèse aucune accusation contre Dilma.

Dilma Rousseff. Foto: Wilton Jr.

La demande de la destitution repose sur la criminalisation d´une action comptable qui a consisté à retarder le paiement de prêts bancaires afin de couvrir les dépenses de projets sociaux ayant dépassé le budget mensuel. Une pratique fiscale non considérée jusqu´alors comme un détournement d´argent, qui a toujours été accepté par le « Tribunal des Comptes de l´Union » et qui a toujours été faite par tous les présidents de la République et par plusieurs maires et gouverneurs, certains d´entre eux maintenant députés et qui ont voté contre Dilma. Ces mêmes députés ont pourtant toujours voté en faveur de cette manœuvre fiscale, puisque les décrets présidentiels ont toujours eu besoin de l´autorisation de la Chambre des Députés.


Les députés

Les députés qui ont voté et voteront contre Dilma utilisent la devise de "lutte contre la corruption".

Eduardo Cunha, président de la Chambre des Députés jusqu´à la semaine dernière, a décidé d'ouvrir le procès de destitution de Dilma un jour après que le Parti des Travailleurs (PT) ait dit qu'il voterait contre lui dans le Conseil d'Éthique de la Chambre des Députés, qui évaluait une accusation de corruption du député - des comptes non déclarés en Suisse et des dénonciations de corruption et de distribution de pots de vin. Vaincu, Eduardo Cunha a eu la demande de son expulsion de la présidence envoyée à la Cour Suprême. Alors que son cas n'était pas encore jugé, il a engagé le procès de destitution de Dilma qui a été approuvé par la Chambre des Députés, le 17 Avril. Le 5 Mai, la Cour Suprême a ordonné son retrait de la présidence en raison de son implication dans des affaires de corruption. Les Brésiliens se sont pourtant demandés : pourquoi la Cour a-t-elle attendu 142 jours pour le juger et ne l'a fait qu´après l´approbation de la destitution de la présidente?

Eduardo Cunha y les députés. Foto: Fabio Rodrigues Pozzebom-Agencia Brasi
Un total de 65 membres a participé à la Commission des Députés qui a évalué le rapport de la destitution. Parmi ceux-ci, trente-six répondent ou ont été reconnus coupables d'un crime. Le cas le plus emblématique le jour de la votation a été la déclaration de la députée Raquel Muniz. En votant, elle a fait l'éloge de son mari, le maire d'une petite ville, et a dit oui à la destitution contre «cette maudite corruption." Le lendemain, son mari a été arrêté pour corruption. Paulo Maluf, recherché par l´Interpol, a également voté en faveur de la destitution.

Les sénateurs

Ce 11 Mai sera le tour du vote du Sénat sur la destitution, après qu´un comité spécial ait approuvé la demande le 6 mai dernier. Sur les 20 membres de ce comité, 15 étaient favorables. Parmi ces sénateurs, 12 sont dénoncés pour plusieurs crimes : détournement de fonds publics, abus sexuels, connexion avec le « jogo do bicho » (une espèce de loterie illégale), traffic de drogue, réception et paiement de pots de vin, crime de responsabilité, implication dans le scandale du "Lava Jato"...

Parmi les sénateurs qui vont voter la destitution ce 11 mai se trouvent des politiciens tels que l'ancien président Fernando Collor, qui a souffert une destitution en 1992 sous l´accusation d'implication dans des transactions financières frauduleuses. Il y a aussi Jader Barbalho, qui a renoncé en 2001 de son poste de sénateur pour ne pas être expulsé et devenir inéligible, suite à un scandale de détournement de fonds. Il y encore Aécio Neves, candidat battu à la dernière élection et qui est maintenant visé par la Cour Suprême dans le cadre du scandale du "Lava Jato". Des 81 sénateurs, 32 sont objets d´enquêtes par la Cour Suprême.


Le vice-président

Michel Temer. Foto: Carta Capital.
Si le Sénat approuve, le 11 mai, la destitution de la présidente Dilma, elle sera eloignée de ses fonctions, tandis que le Sénat aura jusqu'à 180 jours pour prendre une nouvelle décision finale. Pendant ce temps, assume le vice-président Michel Temer.

Temer est également suivi par la Cour Suprême pour corruption dans des affaires concernant des pots de vin, notamment dans l'opération "Lava Jato". Et le 5 mai, le Tribunal Électoral Régional de São Paulo l´a condamné pour avoir fait des dons de campagne au-dessus du permis, ce qui le rend inéligible pendant 8 ans. La condamnation, cependant, n´interfére pas sur sa condition actuelle de vice-président et, si la destitution se confirme, de futur président.


Un coup d´état

Le 14 Avril, le New York Times a titré: «Honnête, Dilma peut être destituée par des criminels." En effet, il n'y a aucune accusation de corruption contre la présidente. Alors que les accusés de corruption se trouvent en majorité à la Chambre des Députés et du Sénat et ont voté ou vont voter pour la destitution. Ce même groupe politique a perdu les quatre dernières éléctions. Avec la destitution de Dilma, ils reviennent au pouvoir au Brésil après 14 ans.

Manifestations contre la destitution. Foto: Ricardo Stucker

Considérant antidémocratique leur façon d´acccéder au pouvoir, des manifestations contre la destitution ont lieu chaque jour dans tout le pays et réunissent des milliers de personnes. Pour les manifestants, la destitution, le résultat d'une articulation et d´un jugement - non pénal - a un nom: Coup d'Etat. Et ceux qui sont contre le "coup d´état" promettent "la lutte." L'avenir du Brésil est aussi incertain que celui de sa démocratie qui, en 2016, n´a que 32 ans et est maintenant menacée.


Alex Pegna Hercog: membre de Intervozes (Collectif brésilien de communication sociale); Association Vida Brasil et Collectif Bahianais pour le Droit à la Communication (Coletivo Baiano pelo Direito à Comunicação).

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